Photo : Les familles palestiniennes sont déplacées depuis les zones ouest de Beit Lahia, nord de Gaza, 16 mai 2025 © Saeed Jaras / Quds News Network
Au moins 115 Palestiniens, pour la plupart des femmes et des enfants, ont été tués lors d’une vague d’attaques israéliennes dans la bande de Gaza, alourdissant un bilan déjà catastrophique après 19 mois de bombardements incessants.
Ces événements surviennent alors que les Palestiniens célèbrent le 77e anniversaire de la Nakba, ou catastrophe, au cours de laquelle plus de 750 000 Palestiniens ont été expulsés de force par des groupes paramilitaires sionistes lors de la création d’Israël en 1948.
Selon les autorités sanitaires locales, au moins 61 personnes ont été tuées au cours de la nuit et de la journée de jeudi dans un barrage d’attaques sur la ville de Khan Younis, dans le sud de la bande de Gaza. Dans le nord, Israël a frappé la ville de Gaza et Jabalia.
L’armée israélienne a également attaqué trois hôpitaux dans le nord et le sud de la bande de Gaza : l’hôpital Al Awda à Jabalia, l’hôpital indonésien à Khan Younis et l’hôpital européen qui, selon le ministère de la santé de Gaza, est désormais hors service.
Tareq Abu Azzoum, de la chaîne Al Jazeera, en direct de Deir el-Balah, a décrit « une nouvelle journée sanglante » à Gaza, alors qu’Israël a intensifié ses attaques aériennes sur les zones résidentielles.
« Les avions de guerre israéliens ont directement pris pour cible neuf maisons sans aucun avertissement dans la ville de Khan Younis », a-t-il déclaré, ajoutant que des familles entières avaient été « complètement anéanties ».
Il a décrit la situation comme chaotique, les civils fuyant les ordres d’évacuation forcée répétés. « L’armée israélienne a pris pour cible les civils pendant leur sommeil, en lançant 13 raids aériens sur le camp de réfugiés de Jabalia et les zones avoisinantes. Les équipes de défense civile, a-t-il ajouté, sont débordées et peinent à sauver les personnes piégées sous les décombres, en raison du manque d’équipement. »
M. Abu Azzoum a déclaré que ces frappes reflétaient « un schéma d’attaques qui ne visait pas des cibles militaires, mais la destruction systématique du tissu social de Gaza ».
Des milliers de personnes contraintes de fuir
Les dernières tueries ont déclenché de nouvelles vagues de déplacement. Des milliers de personnes ont fui la ville de Gaza jeudi, après que l’armée israélienne a donné la veille des ordres d’évacuation forcée.
Hani Mahmoud, de la chaîne Al Jazeera, a rapporté des scènes de panique et de peur alors que les habitants rassemblaient leurs affaires et tentaient d’échapper à l’assaut attendu.
« Nous voyons des familles qui transportent leurs affaires et descendent dans la rue », a déclaré M. Mahmoud. « Les enfants et les personnes âgées portent tout ce qu’ils peuvent porter... Ils ne savent pas où aller. Il n’y a pas d’endroit sûr pour ces personnes - les soi-disant abris ont déjà été détruits par les bombes israéliennes. »
S’adressant à Al Jazeera, Hasan Moqbel, un Palestinien déplacé, a décrit l’assaut continu comme une guerre contre les civils. « Cela fait 19 mois qu’ils bombardent Gaza. Que reste-t-il à Gaza ? Des enfants innocents meurent. Il n’y a pas d’activité armée ici. La plupart des victimes sont des personnes âgées qui meurent », a-t-il déclaré.
S’agissant de l’état d’esprit général qui règne à Gaza en ce jour de la Nakba, M. Abu Azzoum a déclaré que les gens étaient « profondément inquiets » de l’expansion potentielle des opérations terrestres israéliennes. « Ils pensent que l’armée israélienne pourrait les forcer à fuir à nouveau, vers de nouvelles zones où les conditions sont encore pires. »
Malgré la diplomatie internationale, « il n’y a aucun signe de ralentissement sur le terrain », a-t-il averti.
Une diplomatie intensive
Ailleurs dans la région, le président Donald Trump a conclu jeudi une visite au Qatar, où le cheikh Tamim bin Hamad Al Thani a exhorté le dirigeant des États-Unis à user de son influence pour aider à obtenir un cessez-le-feu à Gaza.
« Nos équipes sont engagées dans une diplomatie intensive pour obtenir un cessez-le-feu à Gaza afin de protéger tous les civils, en particulier les femmes et les enfants innocents, et d’assurer la libération de tous les otages », a déclaré M. Al Thani lors d’un dîner d’État mercredi.
« Ce conflit est la clé d’une plus grande stabilité dans la région. De la Cisjordanie au Yémen en passant par le Liban, le temps presse », a ajouté le dirigeant qatari.
« Monsieur le Président, votre implication pourrait catalyser une percée là où d’autres ont échoué. Mais seulement si vous agissez de concert avec des partenaires sérieux... Les États-Unis apportent leur puissance, leur influence et leur poids dans le monde. Si nous agissons ensemble, nous avons une réelle chance de mettre fin à l’effusion de sang et de restaurer la confiance dans la région », a-t-il ajouté.
Jeudi, M. Trump a réitéré sa vision radicale de l’avenir de Gaza, suggérant que Washington prenne le contrôle du territoire assiégé.
« J’ai des idées pour Gaza qui me semblent très bonnes : en faire une zone de liberté, laisser les États-Unis s’impliquer et en faire une zone de liberté », a-t-il déclaré.
« Je serais fier que les États-Unis en disposent, qu’ils s’en emparent et qu’ils en fassent une zone de liberté ».
Les commentaires de M. Trump interviennent alors que la guerre d’Israël contre Gaza continue de s’intensifier et que l’enclave subit des destructions et des pertes civiles sans précédent.
L’envoyé spécial américain au Moyen-Orient, Steve Witkoff, s’est entretenu cette semaine avec le rédacteur diplomatique d’Al Jazeera, James Bays, et a « brossé un tableau positif d’un accord sur Gaza », un accord potentiel pouvant être conclu « assez rapidement ».
Lorsqu’on lui a demandé si M. Witkoff faisait uniquement référence à l’accès à l’aide - étant donné que l’aide est actuellement complètement bloquée pour la population de Gaza, sans nourriture ni médicaments - ou à un cessez-le-feu, il a répondu : « tout cela, je suis positif à ce sujet ».
Nous devons raser la Cisjordanie
Pendant ce temps, le gouvernement israélien semble préparer le terrain pour une escalade parallèle en Cisjordanie occupée.
Le ministre des finances, Bezalel Smotrich, figure clé de la coalition d’extrême droite israélienne, a ouvertement appelé les forces militaires à détruire les villes et les villages palestiniens de Cisjordanie, faisant ainsi écho aux destructions observées à Gaza.
« Tout comme nous détruisons Rafah, Khan Younis et Gaza, nous devons détruire les centres de la terreur », a déclaré M. Smotrich, en faisant spécifiquement référence au village palestinien de Bruqin, où un colon israélien a été tué mercredi soir.
Les forces israéliennes ont lancé de nouveaux raids dans toute la Cisjordanie occupée à l’aube jeudi, prenant d’assaut des villes et des camps de réfugiés tels que Tubas, Naplouse, Bethléem et Dura. Les habitants des camps de Qalandiya, Ya’bad, Fawwar et Askar ont également fait état de perquisitions, d’arrestations et de ce que les groupes de défense des droits décrivent comme des abus systématiques.
Plus tard dans la journée, l’armée israélienne a déclaré avoir tué cinq Palestiniens et en avoir arrêté un sixième qui s’était barricadé dans un bâtiment à Tamoun, à environ 35 km de Bruqin, à la suite d’un échange de tirs avec des soldats.
Alors que Gaza et la Cisjordanie sont prises d’assaut le jour de la Nakba, les Palestiniens se demandent de plus en plus si une partie de leur patrie sera laissée intacte.
Traduction : AFPS